Pollution lumineuse : les villes réagissent

La pollution lumineuse est l’un des axes majeurs de réflexion de l’année 2016 pour les villes adhérentes à LUCI. Focus sur un type de nuisance méconnu du grand public et qui pourtant nous parasite quotidiennement.

C’est le thème central de la revue annuelle publiée par la Lighting Urban Community International (LUCI) dans son édition d’août 2016 : lutter contre la pollution lumineuse. Ce sujet s’impose petit à petit à nos villes. Celles-ci concentrent aujourd’hui une quantité d’éclairages ainsi qu’une densité de population sans précédent. Le fait que ces deux facteurs soient en constante augmentation accentue par ailleurs les effets de ce qu’on appelle la pollution lumineuse.

Des effets négatifs sur la santé et l’environnement

L’éclairage urbain a des effets directs sur notre corps et altère une partie de notre métabolisme. Notre horloge corporelle est conditionnée par les cycles ancestraux de succession du jour et de la nuit. Or, l’omniprésence de la lumière, une fois la nuit tombée, tend à perturber nos cycles. Celui du sommeil particulièrement, dont la qualité est dépendante de la sécrétion de mélatonine, une hormone bridée par la présence de lumière.

A ce propos, la diffusion de la lumière bleue est l’une des plus nocives. Celle-ci, visible à l’œil nu, est hélas présente un peu partout autour de nous. Ordinateurs, panneaux publicitaires, lampadaires…Ce type de lumière artificielle est à éviter au profit de couleurs plus « chaudes » (les couleurs ambrées notamment).

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Frise des spectres lumineux visibles et non visibles

La faune et la flore sont également perturbées. Pour le professeur Héctor Solano, chercheur au Centre des Etudes Métropolitaines de la ville de Mexico, « nous sommes tous des êtres photosensibles, particulièrement les végétaux et les animaux. Pour la vie sauvage, la lumière est comme un chef d’orchestre. Dans le cas des espèces migratoires par exemples, celles-ci se repèrent habituellement avec la lumière de la lune et des étoiles. Or à cause du halo que créent les luminaires urbains, ils ne voient plus et sont totalement désorientés. Cela est synonyme de mort pour des espèces qui ont besoin de se déplacer pour se reproduire ou d’échapper au froid. »

Les végétaux ne sont pas épargnés non plus. Si la lumière est une source de vie ainsi que l’énergie première de leur métabolisme, l’allongement artificiel du jour limite hélas le temps de stockage d’énergie que constitue la nuit pour eux. Cela impacte autant le bourgeonnement que l’efficacité de la photosynthèse.

La régulation de l’éclairage public : une stratégie urbaine

Toute la difficulté pour les villes concernant la pollution lumineuse consiste à trouver le point d’équilibre entre sécurité, salubrité, confort et finances. L’éclairage public est une double nécessité pour les villes, tant sur l’aspect fonctionnel que sur la plus value qu’il apporte en terme d’ambiance et de qualité de vie. Néanmoins, on n’a peu réfléchi à la pertinence de ces éclairages jusqu’à ce que le projet de loi Grennelle de l’environnement mette l’accent sur la pollution nocturne en 2012. En France, l’ANCPEN (l’Association Nationale pour la Protection du Ciel et de l’Environnement Nocturnes) constate que depuis 1990, les sources lumineuses ont augmenté de 94% dans l’Hexagone.

Des chercheurs tels que la polonaise Karolina M. Zielinska-Dabkowska (également architecte et designer lumière) plaident pour une meilleure gestion de nos éclairages urbains. Dans ses travaux, elle identifie le phénomène de « light trespass », littéralement « le débordement lumineux ». Cela renvoie au fait qu’on éclaire au-delà des besoins nécessaires à la cible éclairée. Grossièrement, si vous utilisez cinq lampes allogènes pour éclairer vos WC, vous seriez dans le débordement lumineux le plus total. Gérer ce phénomène passe notamment par le l’utilisation des LEDs, plus précises et surtout moins gourmandes que les éclairages traditionnels comme l’halogène ou le néon fluorescent. C’est notamment la démarche que suit la ville de Paris depuis plusieurs années, sous l’impulsion de la signature de la Charte LUCI de l’Eclairage Urbain.

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Le pont de Santa Pau et ses LEDs ambrées, dans la province de Gérone en Espagne.

Cette stratégie est d’ailleurs utilisée dans des villes bien moins importantes que la capitale française et pour d’autres raisons. A côté du village de Santa Pau (1500 habitants) en Catalogne, les Espagnols ont modifié tout l’éclairage d’un pont autoroutier qui passait au-dessus d’un parc naturel. Pour éviter que la lumière bleue n’influe sur le comportement de la faune environnante, les lumières ont été remplacées par de la LED ambrée, plus sombre.

L’obscurité est en réalité au cœur de la démarche de régulation de l’éclairage public. Apprendre à renouer avec une part d’obscurité dans nos villes est une idée levier pour la préservation à long terme  de notre environnement et de notre santé.

Il ne fait nul doute que nous retrouverons cette thématique au sein des innovations qui seront présentées au Lyon Light Festival Forum, ce 9 et 10 décembre.

Rémi Métral

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